ASSOCIATION EDITORIALE et GROUPEMENT DE RÉFLEXION ANTHROPOTECHNOLOGIQUE




LACUNAR ENCYCLOPÉDIE…--

Avez-vous des yeux pour des lacunes raisonnables ?Michel Seuphor.


- LACUNAR(Latin): Vide que laissent entre elles les solives du plafond et, par extension, (symbol.) ce vacuusdésignant, par défaut, le large spectre de "choses" que ne peuvent définir ou qualifier les lois logiques ou les savoirs systémiques…

- LACUNE: "Lacuna" (Lat.cavité, interstice, petit lac). Espace vide à l’intérieur des corps : Minéral plein de LACUNES.
-
Par anal.Vide ou interruption dans le texte d’un auteur, dans le corps d’un ouvrage : Anciens manuscrits pleins deLACUNES.
-
Bot.Espace compris entre plusieurs cellules et provenant soit de l’agrandissement progressif d’un méat initial, soit de la résorption d’un tissus.

- Physiol.Le système lacunaireest distinct des systèmes vasculo-sanguin et lymphatique qu’il précède dans le développement ontogénétique et philogénétique. C’est dans ces cavités que baignent tous les éléments tissulaires; c’est à ces liquides que ceux-ci empruntent les matériaux de leur assimilation; c’est par lui que s’établissent les rapports de solidarité entre les divers tissus et organes; c’est lui, enfin, qui n’ayant qu’une circulation très lente, sert en quelque sorte de tampon entre les modifications plus ou moins rapides, et les réactions plus ou moins vives du sang et de la lymphe et la cellule elle-même, de manière à donner à celle-ci la possibilité de s’y adapter. Le système lacunaireest constitué par des cavités closes dont la membrane limitante permet aux échanges de s’accomplir…

-
Phylogenèse: "Lacuna", Mollusque. Genre mal défini habitant les mers d’Europe. Quelques unes sont fossiles (terrains tertiaires). - genre "turbo", corps en spirale, pied ovulaire, tête en forme de trompe, bouche tranversale, armée de lèvres épaisses et d’une langue cornée…

- Esthét.Élément infime - brèche, interstice, creux, vide, - qui, en rompant une structure linéaire, relance l’attention et force la tension. Facteur "perturbant", susceptible d’introduire dans une suite homogène des éléments hétérogènes qui forcent l’inventivité du penseur, du savant, du poète… Ils peuvent repérer le point ou le lien manquant capable de reconduire la suite et provoquer ainsi la surprise, l’ouverture, voire un recommencement.

Lacunars: Théorie mise au point par Alexander Zheimer dans les années 1957, mettant en lumière l’analogie entre certaines techniques de la conquète de l’espace et celles de la poésie.*



CENTON ou "LACUNAIRES" :
(lire, penser, écrire l’au-bout des rationalités offensives…)

-« Le dépouillement des phénomènes vis-à-vis du contenu immédiat de nos perceptions, présente deux caractères que nous mettrons en évidence. D’une part, ce processus révèle une
identité d’essence entre l’intellect et l’univers. D’autre part, ce contenu se vide progressivement de sa substance apparente: la matière tend elle-même à n’être qu’une forme vide, un champ d’action des propriétés structurales de notre esprit, c’est-à-dire quelque chose d’immatériel… Nous exprimerons ainsi et de la façon la plus extrême la tendance ultime de la science: réduction de la réalité au vide. Ce vide n’est pas le non-être, le néant. C’est au contraire l’être le plus complet qui soit puisqu’il contient l’univers en puissance. » (G. Cahen, Conquêtes de la pensée scientifique, Dunod, Paris)

« Bien que trente rayons convergent au moyeu
« C’est le vide médian
« Qui fait marcher le char
« L’argile est employée à façonner des vases
« Mais c’est du vide interne
« Que dépend leur usage
« Il n’est chambre où ne soient percées porte et fenêtre
« Car c’est le vide encore
« Qui permet l’habitat
« L’être a des aptitudes
« Que le n’être-pas emploie.
(Lao-tzeu : Tao-tê-king)

« La "Vue juste" dont parle le bouddhisme consiste à voir directement - sans interférences mentales - la Réalité profonde de l’univers et de nous-mêmes, au-delà des apparences superficielles. Pour "voir" sans interférences mentales, il faut dépasser celles-ci. Mais pour les dépasser il faut les connaître. »…« Les Eveillés nous enseignent qu’une tâche immédiate nous incombe: la réalisation du silence mental. Mais une grande confusion règne quant à la nature exacte de ce silence mental.
Précisons immédiatement que ce silence mental
n’est qu’une pause nécessaire et indispensablese situant entre deux façons de penser très différentes. La première est la façon de penser désordonnée de l’homme ordinaire. La seconde est la façon de penser de l’Eveillé, qui est complètement différente. Le psychologue indien J. Krishnamurti comparait l’activité mentale de l’homme à une machine complexe tournant avec rapidité. Si nous voulons étudier le fonctionnement de cette machine et voir comment ses rouages agissent entre eux, il est nécessaire de l’arrêter un instant, puis de la faire tourner au ralenti. Les Eveillés nous enseignent que dans l’homme la "machine mentale" fonctionne mal. Elle est branchée sur le mauvais courant. Il faut la déconnecter, et la brancher sur une source d’énergie infiniment plus précieuse. » (Robert Linssen, Le Zen, sagesse d’Extrême-Orient: un nouvel art de vivre ?, Marabout)

« De nos jours on ne peut plus que penser dans le vide de l’homme disparu. Car ce vide on ne creuse pas un manque:
il ne proscrit pas une lacune à combler. Il n’est rien de moins que le dépli d’un espace où il est enfin à nouveau possible de penser. » (Michel Foucault, Les Mots et les choses.)

« Le sujet le plus fort ne doit-il pas justement être conçu comme celui dont le métabolisme fonctionne le plus efficacement - c’est-à-dire comme l’homme faisant le moins mystère de sa
cavité, de sa pénétrabilité, de sa médialité ? » (P. Sloterdijk, Sphères).

« La tâche de la philosophie ne consiste pas à nous apporter des lumières sur quelque inconnu mystérieux, mais à placer sous un jour nouveau ce que nous avons en permanence sous les yeux - et dont, pour cette raison même, nous n’avons plus conscience - de façon à nous le faire percevoir et à nous faire corriger les images fausses qui ont orienté nos pensées dans la mauvaise direction… » (Joachim Schulte
Lire Wittgenstein- L’Eclat), lequel Wittgenstein précise : « La philosophie place seulement sous les yeux sans rien expliquer ni rien déduire. - Comme tout est étalé sous nos yeux, il n’y a rien à expliquer. Car s’il arrivait qu’il y ait quelque chose de caché, ce n’est pas ce qui nous intéresserait. On pourrait appeler "philosophie" ce qui est possible avanttoutes découvertes et inventions nouvelles. »

« Je tire une ligne, je tire une autre ligne, une autre encore. Entre les lignes quelque chose se met à vibrer, dans les espaces blancs des formes prennent substance. Le non écrit devient lisible, le vide parle, l’inexistant paraît doué de sens. Comment expliquerai-je quoi que ce soit lorsque je ne cesse d’être surpris moi-même ? Avez-vous des oreilles pour un chant noir et blanc ? Avez-vous des yeux pour des lacunes raisonnables ? […] » (Michel Seuphor,
Le Jeu, la Règle).

« […] Le Rien est une sorte de minimum vital, sans artifices, sans supplément à la carte, sans rêves, avec quelques luxes comme le café ou la cigarette mais une absence totale d’ambition, de but et de croyance. Le Rien est un idéal de vie dont la richesse est l’absence de goût des choses, Un Rien en vue de jours meilleurs. Ce Rien est en effet nécessaire à vivre pour entrevoir quoi que ce soit d’autre. Il crée une sorte de vide, une réserve qu’on pourra un jour remplir avec ce qu’on imaginerait. C’est une sorte d’aménagement du temps futur et c’est le moment ou jamais pour le vivre puisque sorti d’une période difficile. De ce Rien, on peut tout envisager. C’est une page blanche, une disquette vierge, un espace de liberté privé, à ce moment, de tout sens, de tout but, signifiant que l’univers des possibles est immense et sans limites. » ( Eric Brignole,
Aliénations… - En cours)

« 
Que tout danse et se meuve, agisse et crée
« Se forme d’abord et puis se métamorphose,
« En apparence, seulement, immobile par instants.
« L’Éternité se manifeste en toute chose

« Car tout doit s’effondrer en rien
« Si cela veut persévérer dans l’être. (Goethe)

- « Les symptômes de l’absolu, ce sont l’intervale, le trou, la cavité,le creux du ciel… Tout interstice est un abîme et l’abîme… est ce réceptacle de l’absolu. » Malamoud

- « Une paire de chaussures de paysan, et rien de plus. Et pourtant… Dans l’obscure intimité du creux de la chaussure est inscrite la fatigue des pas du labeur.  » (Heidegger, L’Origine de l’œuvre d’art…)

- « Ce que l’on avait à apprendre dans le fait de se retrouver seul avec Dieu, on le transpose aujourd’hui à l’existence des grandes villes, une vie en solitaire avec un néant meublé… Nous sommes en train de vivre une grande agonie des anges en nous - les derniers anges sont des anges vides, des non-messagers, des hommes neutres. » (Peter Sloterdijk, Essai d’intoxication volontaire)

- « Aux lacunes de l’interlocution l’anthropophagie supplée. Elle supplée bien, même, emplissant le vide que laisse échapper la langue, sans jeux de mots. », (Olivier Gambier in
Carnaccia, éd. Parc.)

- « …L’
Enchiridium metaphysicum[de Henri More] ne se borne pas à affirmer contre tous les adversaires éventuels l’existence effective de l’espace vide infini, en tant que condition réelle préalable à toute existence possible, mais va jusqu’à l’offrir comme le meilleur et les plus évident exemple d’une réalité immatérielle, et donc spirituelle, et de ce fait, comme l’objet premier et principal, bien que non unique, de la métaphysique. » (in A. Koyré, Du monde clos à l’univers infini)

« Dans des conditions encore inexpliquées jusqu’à nouvel ordre, la densité, le continu, le massif sont envahis par le creux. L’air s’entend à pénétrer dans des lieux où nul ne l’attend. L’écume est, dans une certaine mesure, la tromperie réelle - le non-Étant sous forme de quelque chose qui demeure pourtant quelque part un Étant… un feu follet, un excès, une humeur, un gaz paludéen, habité par une subjectivité trouble. Donc fragile… Mais aussi bien pourtant un retournement positif du négatif. » (P. Sloterfijk ( Sphères - Ecumes) .

« C’est le processus d’écriture qui est en cause : il y a le blanc, m’angoisserait-il que je le meuble sur le champ avec des mots ; mais ces mots laissent du blanc entre eux, même si je les densifie, les fait se téléscoper - un qui en retient quatre dans son paquetage - il faut encore occuper ce blanc, farcir leurs jointures jusqu’à les rigidifier, tenter à perte de vue de combler des lacunes, rendre étanche une ligne de front, réduire de plus en plus les marques de suspension qui permettent de respirer […] Sans vide, sans blanc, sans absence point d’écrit pour réparer un manque - en même temps que blesser l’objet manquant : lui en faire voir, le convoquer pour stigmatiser sa défection […] Un rien par lequel tout adviendrait - par magie ou travail (parturition), avec expulsion d’un nouvel être […] Un trop plein soigneusement canalisé pour installer, initier, produire un creux, du vide, re composer une matrice […] Dans la matière compacte créer des vacuoles. Des interstices (où des poches d’air puissent se loger), des intervalles - qui procurent une distance, des articulations, accordant la souplesse. Pour respirer, pour concevoir, pour le jeu. Et se préparer au blanc, mimant la fuite, le vide […] Quantité d’idées, d’êtres, passent, qui s’échappent, que je ne retiens pas - alors que certains, certaines, me semblent décisifs. Et là, comme dans un tourbillon, un arrêt, une absence (de mémoire, de pensée), un trou : qu’est-ce que c’était déjà… ? Par réaction, suivre la première idée, le premier être venu, soudain […] Contact. Le capteur d’ondes transfère son récent savoir au sismographe, chaque onde déviée entre temps par le miroir intermédiaire. Les signes mobilisent l’énergie. Un signalement immobile, hors de l’espace-temps, devient empreinte en creux qui s’anime… Merveille quand, sur une page, deux ou trois segments de ces filaments par lesquels l’écriture se manifeste deviennent incandescents… » (Israel Vojn, Lieu d’être, extraits inédits…)

-« La poésie trouve son origine dans ce qui du langage apparaît comme
trou, comme assignant la défaillance de la structure signifiante. Le poème s’inscrit dans la volonté de ne pas dire, qui correspond au désir de dire autre chose, de pénétrer dans un territoire entièrement nouveau (…) La poésie comme effet de trou va induire une certaine efficace dans la dimension de réel : " Ce qu’il en est de l’efficace dans le langage n’est pas en lui-même un message, mais il ne se sustente que de la fontion de ce que j’ai appelé le trou dans le Réel. (Lacan, 17/05/77) (…) La poésie comme effet de trou ayant des effets de sens va se confondre avec l’art de l’équivoque, nécessaire à l’acte d’interprétation : "La poésie combine à la fois cet effet de sens et cet effet de trou, elle seule permet l’interprétation dans la technique analytique" (Lacan, 20/01/76). Freud recommandait de pratiquer "l’attention flottante", c’est-à-dire de n’écouter l’analysé que d’une oreille distraite et de faire confiance à son inconscient pour saisir, grâce à cette distraction calculée, les accidents marquant l’affleurement dans le discours d’une autre parole, d’une autre signification, d’une vérité qui ne peut, de toute manière, que se mi-dire. » (Benjamin Marriote)

- « Le Zen ne nie donc pas le "particulier", ni la forme, ni les singularités mais insiste sur le fait que leur signification véritable n’a jamais été totalement comprise. La compréhension du "particulier" n’est accessible qu’à la condition que nous soyons fermement établis dans le "cosmique" et que nous laissions spontanément s’exprimer en nous-mêmes le jeu de notre singularité continuellement changeante. » (R. Linssen,
ibid.)

- « Admettons le principe que les étoiles fixes s’étendent, à l’infini, vers l’extérieur; il n’en est pas moins vrai qu’il existe en leur sein
un immense creux,qui présente une prodigieuse différence de dimension par rapport aux intervalles qui séparent les étoiles fixes : de telle sorte que s’il arrivait à un observateur d’examiner cette seule cavité, même en ignorant l’existence, le caractère et le nombre des huit corps chétifs qui accomplissent leurs révolutions autour du centre de cet espace et à très faible distance de ce centre, cet observateur concluerait, de la seule comparaison de ce videavec la région sphérique, remplie d’étoiles, qui l’environne, qu’il s’agit d’un lieu particulier et même de la principale cavité du monde. » (Kepler, in Koyré, Ib.)

« Avec ses œuvres « polymorphes », un système complexe et "
lacunaire" fait irruption dans la pensée compositionnelle en en transgressant les règles par la mise en dé-forme d’astreintes et de combinatoires, affirmant une idéalité non-efficiente… » (Émile Belan)

« La Voie du Ciel est celle
« Qui vainc sans batailler
« Qui répond sans parler
« Qui vient sans qu’on l’appelle
« Et qui œuvre sans se forcer
« Entre ses larges mailles
« Le grand filet du Ciel ne laisse rien glisser.
(Lao-tzeu : Ib.)

« Mais le scatologique manifeste peut-être aussi, dans la matière : l’informe, dans le vent,
le vide. Il se produit non seulement en rupture d’un ordre, mais à ces moments où il ne signifie rien, où il n’a que faire, de manière trop bruyante, trop odorante, trop matérielle par rapport à ce rien. On peut entendre encore parfois, dans l’humour scatologique, l’écho de ce rire provoqué par ce qui ne sert à rien dans le monde de l’usage, par ce qui n’a pas lieu de se produire par dépense pure. » (Pierre Jourde, Empailler le toréador, l’incongru dans la littérature française, Corti)

« Mais il ne suffit pas, évidemment, de répéter comme affirmation vide que l’auteur a disparu. […] Ce qu’il faudrait faire, c’est repérer l’espace ainsi laissé vide par la disparition de l’auteur, suivre de l’œil la répartition des lacunes et des failles, et guetter les emplacements, les fonctions libres que cette disparition fait apparaître. » ( Foucault,
Dits et écrits)

« Dans un rhizome, on entre par n’importe quel côté. Chaque point se connecte avec n’importe quel autre, il est composé de directions mobiles, sans dehors ni fin, seulement un milieu, par où il croît et déborde, sans jamais relever d’une unité ou en dériver - sans sujet ni objet. » (Deleuze)

*« Ma théorie des lacunars qui m’a valu tant de quolibets me paraît maintenant vérifiée par ces enregistrements : il existe bien, dans l’espace interstellaire du fissuré, des lacunars où viennent se nicher des réalités physiques imperceptibles, impensables. Comme je l’ai déjà écrit, il s’agit de décors, d’une construction à l’allure baroque, apparemment vaine, volumes et vides stylisés à la clef, pour le seul fait de l’être. Béances ou hypertrophies, ces lacunars creusent la matière de l’intérieur telles les termites une termitière au point que, s’il devait nous arriver de ne pas nous en rendre compte, tout l’ensemble, le Sein comme disent certains philosurfeurs, ou la vie pour les phys de chiens, bref tout s’effriterait, tout s’écroulerait d’un seul coup. » (Extrait d’une lettre d’Al. Zheimer à J. Douille).
- Cf.également "
Lacunars in the sky", dans Mars ou Crêve, par Alexander Zheimer aux éditions PARC.

* Les Éditions Parc

* Lacunar&Co

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